Apr 2, 2020

Ne provoquez pas une crise pour les organismes de charité et sans but lucratif avant que le programme de subvention salariale entre en jeu

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MISE À JOUR – 8 avril 2020 : Aujourd’hui une lettre a été envoyée à des fonctionnaires clés afin de demander que le nouveau programme de Subvention salariale d’urgence du Canada soit disponible à tous les organismes communautaires à but non lucratif ainsi qu’à ceux de bienfaisance sans qu’on leur exige une perte de revenus en tant que condition d’admissibilité. Tous les organismes soussignés à ce blogue ont été ajoutés à cette lettre.

De plus, veuillez noter qu’à partir d’aujourd’hui, <<le gouvernement propose d’élargir l’admissibilité à la Subvention comparativement à ce qu’il avait annoncé au départ en réduisant le pourcentage du revenu de référence de 30 % à 15 %, en reconnaissance du fait qu’un grand nombre d’entreprises n’ont commencé à ressentir les effets de la crise qu’après l’écoulement d’une partie du mois.>> Nous croyons fermement qu’il est raisonnable de faire appel au gouvernement pour qu’il élimine l’exigence de la perte de revenus dont nous faisons référence présentement ainsi que dans la lettre susmentionnée. Nous vous tiendrons informés de tous les développements à venir.

version anglaise

Hier, Bill Morneau, le ministre des finances a dévoilé les détails concernant le programme de Subvention salariale d’urgence du Canada qui couvrira 75 pourcent des salaires chez les employeurs durement frappés par la crise COVID-19 et plus spécifiquement chez les employeurs qui ont connu une perte de revenus d’au moins 30% ce mois-ci par rapport à l’année précédente (plus de détails ici). Tel que prévu, le programme pourra se faire prévaloir par les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif. C’est d’une grande importance. Cela étant dit, afin de se qualifier au programme, les organismes devront démontrer le même pourcentage de perte de revenus (30%) que le secteur privé.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles il serait souhaitable que les employeurs au sein du secteur caritatif et à but non lucratif soient automatiquement qualifiés au programme de Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC). Les raisons se rapportent particulièrement au rôle dont ces acteurs jouent dans notre société ainsi qu’à leurs structures financières.

Premièrement, les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif détiennent une place cruciale dans le tissu social du Canada. Plusieurs d’entre eux sont sur la ligne de front dans la lutte contre la COVID-19 afin de fournir une grande gamme de services sociaux et ceux en matière de santé. Ils travaillent avec les membres de nos communautés qui sont les plus vulnérables et les plus démunis, y inclus les personnes aînées et handicapées, ceux vivant dans la pauvreté qui ont faim ou qui sont itinérants, les travailleurs migrants et ceux qui ne bénéficient pas de la protection d’un syndicat, les femmes et les enfants vivant dans des environnements violents, et ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale et de dépendances – pour ne nommer que ceux-là.

Durant cette pandémie, on constate une demande accrue pour leurs services sans qu’ils reçoivent de hausse de revenus pour répondre à ces nouveaux besoins.

En plus de fournir des services directs, les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif jouent un rôle essentiel dans la revendication visant à éliminer les iniquités flagrantes dans notre filet de sécurité sociale. Ces dernières ont été exacerbées pendant cette pandémie. Les organismes de bienfaisance et à but non lucratif sont aussi un rouage vital dans les secteurs économiques tels celui des arts.

Deuxièmement, les organismes de bienfaisance opèrent différemment que les entreprises privées. La plupart de ces organismes ne vendent pas de biens et/ou de services. Typiquement, leurs revenus sont prélevés à différents moments en réponse aux sollicitations de dons et aux événements, aux frais d’adhésion, aux octrois de bailleurs institutionnels (y inclus le gouvernement et les fondations), le mécénat d’entreprises, etc. Ce qui veut dire que l’obligation de démontrer une chute de 30% des revenus bruts pour le mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019 afin de se prévaloir du programme de subvention gouvernementale est dépourvue de sens. Alors que certains auront déjà constaté une diminution de revenus de cette ampleur, ce sera le cas pour les autres de façon plus graduelle ou plus tard dans l’année lorsque les perturbations économiques causées par la COVID-19 se feront sentir par l’entremise de réductions de dons, d’annulations d’événements annuels et de campagnes ainsi que l’effondrement des revenus de placements détenus par les subventionneurs et le resserrement des budgets de commandites.

Tel que l’a fait valoir Imagine Canada dans sa plus récente lettre de sollicitation pour un fonds de stabilisation urgent  adressée au premier ministre et ses collègues, les organismes de bienfaisance font face à plusieurs défis uniques dont :

  • <<la majorité des organismes ne disposent pas d’importantes réserves en espèces et, pour ceux qui en disposent, elles représentent moins de trois mois de fonds d’exploitation;
  • la majorité des organismes ne peuvent pas accéder à des capitaux d’urgence par le biais de lignes de crédit ou de prêts-relais;
  • le secteur s’appuie sur 14 millions de bénévoles et nous entendons parler de pénuries de ressources pour les activités de prestation des services à la personne et des services sociaux nécessaires, comme un grand nombre de ces bénévoles s’isolent.>>

Compte tenu des réalités auxquelles ce secteur doit faire face, il serait inapproprié d’assujettir les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif à la même évaluation d’admissibilité que les entreprises telles les banques, les compagnies aériennes et autres.

Dans la mesure que l’objectif principal du programme de subvention salariale soit de mitiger les perturbations économiques de la pandémie ressenties par les employeurs et les travailleurs, un allégement devrait être accordé de façon proactive aux organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif, et cela avant qu’ils soient obligés de recourir aux mises à pied, d’abandonner leurs baux ou de disparaître à jamais.

Pour ceux qui questionnent la sagesse d’appuyer les groupes qui ne sont pas directement impliqués dans la livraison de services face à la lutte contre la COVID-19, en dépit de perte de revenus : Étant donné que les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif ne soient disposés par définition à faire un profit, le pire scénario serait que certains organismes bénéficieraient d’une hausse de revenus qui serait directement versée dans la communauté ou que les organismes renforcissent leurs fonds de réserve au début d’une longue récession.

Veuillez maintenant comparer ce scénario à ce qui pourrait se passer avec certaines entreprises privées qui auront accès à la subvention, ce qui est disponible aux entreprises de toutes les tailles quasiment sans aucune condition (sauf celle de démontrer une perte de revenus bruts de 30% sur une période d’un mois par rapport à l’année précédente). À titre d’exemple, tel que mes collègues Toby Sanger et Alex Hemingway ont fait valoir, les entreprises pourront avoir accès au programme de subvention et maintenir les bonis de performance à leurs dirigeants et/ou payer les dividendes à leurs actionnaires. Mêmes celles qui verront une diminution temporaire de revenus mais qui termineront l’année fiscale avec un profit ne seront tenues de rembourser la subvention (telle une taxe plus marquée sur le profit).

Il est vrai que le programme de subvention salariale de 10% sera disponible pour les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif qui ne se qualifient pas au nouveau programme plus généreux (idem pour les petites entreprises). Tandis que la subvention de 10% n’exige pas que les employeurs démontrent une perte marquée de revenus, la subvention atteint son plafond à 1,375$ par employé et 25,000$ par employeur. Par contraste, le nouveau programme de Subvention salariale d’urgence du Canada défraie 75% des salaires jusqu’à un maximum de 847$ par semaine (par employé) et sans montant maximal pour chaque employeur.

La qualification immédiate des organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif au programme est une solution facile et importante à la problématique. Les communautés ne peuvent plus attendre.

Le communiqué de presse du gouvernement fédéral émis hier en tandem avec l’annonce du ministre des finances laisse entendre que des ajustements au seuil d’admissibilité sont en cours. Cela étant dit, il ne semblerait pas que renoncer complètement à l’idée du seuil est envisagée concrètement.

<< En ce qui concerne les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés qui sont touchés de façon similaire par une perte de revenu, le gouvernement continuera de collaborer avec ce secteur afin de s’assurer que la définition de « revenu » dans ce contexte répond bien à leurs besoins. Le gouvernement considère également un soutien supplémentaire pour les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance, plus particulièrement ceux qui participent à l’intervention de première ligne relative à la COVID‑19. D’autres renseignements à cet égard seront annoncés sous peu.>>

Néanmoins, la renonciation à cette évaluation d’admissibilité est exactement ce que devrait faire le gouvernement fédéral. Nous vivons à une époque dans laquelle le gouvernement doit réagir rapidement avec l’utilisation d’instruments politiques relativement directs. Par l’entremise du programme SSUC, nous aspergeons le secteur privé au coût de 70$ milliards. La qualification immédiate des organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif au programme est une solution facile et importante à la problématique. Les communautés ne peuvent plus attendre. Il est insensé de provoquer du même coup une crise pour les organismes de bienfaisance et ceux à but non lucratif.

Divulgation complète : Le Centre canadiens de politiques alternatives est un organisme de bienfaisance enregistré. J’écris ce texte en notant sans hésitation mon conflit d’intérêt.

Si votre organisme aimerait appuyer l’appel lancé pour que les organismes de bienfaisance et ceux communautaires à but non lucratif soient admissibles au programme de Subvention salariale d’urgence du Canada, veuillez-vous inscrire ci-bas. Le nom de votre organisme ainsi que ses coordonnées pourront être partagés avec certains fonctionnaires fédéraux clés. Cela étant dit, seul le nom de votre organisme (et non vos coordonnées) sera publié. Les appuis peuvent faire l’objet d’examen par les employés du CCPA. Vous pouvez envoyer un e-mail à leur député, au premier ministre et au ministre des finances ici.

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